reportage

Le UMO Helsinki Jazz Orchestra : bien plus que du Jazz ! Le UMO Helsinki Jazz Orchestra est le seul orchestre professionnel en Finlande spécialisé dans le jazz et les nouvelles musiques rythmiques. Le big band est constitué de 16 musiciens et donne environ une centaine de concerts chaque année en Finlande et à l’étranger. (Article UMO Helsinki Jazz Orchestra par Gwenaëlle Bauvois – Helsinki – Finlande)

L’histoire du UMO remonte au années 70, un groupe de musiciens de jazz finlandais sous la direction de Heikki Sarmanno et Esko Linnavalli fonde en 1975 le Finnish Jazz Music Workshop, qui est rapidement devenu le New Music Orchestra. Dans les années 1980, le nom a évolué pour devenir UMO Jazz Orchestra, jusqu’à ce qu’en 2019, le nom devienne UMO Helsinki Jazz Orchestra. Le pedigree de l’orchestre est impressionnant : parmi les chefs d’orchestre et solistes de l’UMO Helsinki Jazz Orchestra figurent, entre autres, Dexter Gordon, Thad Jones, Dizzy Gillespie, Gil Evans, Joe Williams, Mercer Ellington, McCoy Tyner, Maria Schneider, Michael Brecker, John Scofield, Tomasz Stanko, Lenny Pickett, Gregory Porter, Lizz Wright et Randy Brecker. L’Orchestre a sorti ou participé à plus de 60 albums. Excusez du peu !

(©photo : Gwenaëlle Bauvois)

L’orchestre joue une gamme variée de musiques : du jazz à la soul en passant par la musique classique. Plus de 100 musiciens, compositeurs, metteurs en scène et artistes finlandais et internationaux travaillent chaque année avec l’orchestre. Depuis 2020, UMO est dirigé par Ed Partyka, tromboniste, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre américain qui vit en Europe depuis près de 30 ans. Partyka a travaillé avec plusieurs big bands européens de prestige, tels que le HR-Bigband et le NDR Bigband en Allemagne, ainsi qu’avec les orchestres de jazz de Vienne et de Zurich en tant que chef invité, concepteur et arrangeur. Il a collaboré avec de grands noms du jazz américain tels que Bob Brookmeyer et Carla Bley, ainsi que du blues tel que Robben Ford. Autant dire que le UMO est dirigé d’une main de maître !

(©photo : Olli Nurmi)

Le premier concert auquel l’Oreille à l’Envers a eu la chance d’assister est la collaboration entre Funky Finns et l’Umo Helsinki Jazz Orchestra. Funky Finns est un tout nouveau groupe dont le premier album United Souls est sorti au printemps 2023. La musique de Funky Finns est une combinaison de soul, funk, pop, afro et jazz. Les paroles des chansons parlent d’antiracisme, des problèmes de santé mentale des jeunes ainsi que la cohésion sociale. Pour une mini tournée de concerts, la musique des Funky Finns est interprétée pour la première fois avec des arrangements pour big band.

(©photo : Olli Nurmi)

Le concert se tient à Korjaamo, le complexe culturel situé dans un ancien dépôt de tramways d’Helsinki datant de 1900 (dont nous vous avons déjà parlé dans l’Oreille à l’Envers), un lieu idéal pour accueillir un big band de ce calibre.
On sent tout de suite une super énergie dans la salle, et dès que les musiciens arrivent sur scène, le public crie et applaudit à tout rompre. Et ça se comprend car l’énergie qui se dégage de la collaboration entre UMO et Funky Finns est contagieuse. C’est joyeux, entraînant et dansant. Comme à l’accoutumée, les arrangements d’Ed Partyka sont impeccables et l’accord entre Funk et Jazz fonctionne admirablement bien sur scène. Plusieurs chanteurs apportent leur voix lors ce ce concert : Mikko Pettinen (également connu comme trompettiste au sein de l’UMO), Antti Kleemola ainsi que le guitariste Onni Lonka. Mais c’est surtout le rappeur finno-américain Bentality qui apporte une touche de modernité à l’ensemble. Bentality est actif sur la scène musicale depuis l’âge de 15 ans, avec plus de dix ans de carrière à son actif. Son premier album Twenty Something (2022) révèle un artiste complet qui aime collaborer avec des artistes de tous bords, et n’hésite pas à s’aventurer dans des styles musicaux différents. Le mariage du rap, du funk, de la soul et du jazz fonctionne à merveille lors ce concert exceptionnel. Une belle soirée qui se finit sous les tonnerres d’applaudissements d’une foule joyeuse.

(©photo : Olli Nurmi)

Le deuxième concert auquel l’Oreille à l’Envers a assisté est le concert traditionnel de Pâques – Silent Music – organisé par le UMO depuis 25 ans. Cette année Silent Music met à l’honneur deux jeunes trombonistes de talent : la suédoise Ebba Åsman et l’allemande Maxine Troglauer pour leur tout premier concert en Finlande. L’idée de l’édition 2024 de Silent music était de créer un concert entièrement autour du trombone basse et du trombone ténor. Mettre à l’honneur ces deux instruments a déjà été fait par les américains James Pugh et James Taylor sur leur opus The Pugh / Taylor Project en 1984. Ed Partyka et les deux musiciennes étant de grands fans de cet album, ils se sont tout naturellement retrouvés autour de cette inspiration. Qui sont ces jeunes musiciennes de talent mises à l’honneur lors de ce concert ? Ebba Åsman a étudié au Royal Music College de Stockholm et au Conservatoire de Rotterdam. Au cours de sa carrière, elle a joué, entre autres, avec Nils Landgren – tromboniste et chanteur suédois de R&B, funk et jazz – fait des tournées dans des festivals de jazz avec Brooklyn Funk Essentials et le Norrbotten Big Band. De plus, elle tourne avec des artistes suédois de pop, soul, r&b et hip-hop. De son côté, Maxine Troglauer touche à tous les genres : musique classique, jazz, musique contemporaine… Son objectif est de libérer son instrument de son côté ‘poussiéreux’ et de développer son propre répertoire. Après un master de deux ans à la Manhattan School of Music de New York, elle vit désormais à Berlin en tant que musicienne indépendante.

(©photo : Olli Nurmi)

Trombonistes de haut vol, Troglauer et Åsman sont également compositrices mais leur musique n’avait jamais été orchestrée pour un ensemble de jazz et c’est justement la spécialité de Partyka ! Il a donc pris leurs compositions originales qui sont écrites pour de petits ensembles – solo, trio ou quartet – et les a métamorphosées pour un grand orchestre de jazz de 20 musiciens. Et comme c’était le vendredi de Pâques, Partyka a aussi composé pour accompagner les créations d’Åsman et Troglauer, des morceaux plus liturgiques inspirés des messes d’Igor Stravinsky et Leonard Bernstein. En plus des solistes vedettes, le concert tenait à offrir aux musiciens d’UMO des espaces d’improvisation, comme il se doit dans le jazz.

Le concert se tient dans un lieu un peu inhabituel pour du jazz : l’Eglise Mikael Agricola. Pâques oblige ! Cet édifice de style fonctionnaliste – conçu par l’architecte Lars Sonck dans les années 30 – est d’allure austère à l’extérieur. Ce lieu on ne peut plus luthérien se prête bien à l’ambiance solennelle de cette Silent Music du Vendredi Saint. Mais les beaux jeux de lumières bleues et roses dans l’église donnent à l’ensemble une touche chaleureuse et étrangement cosy.

Le concert commence sur une belle composition d’Ed Partyka, avant que ne rentrent en scène les solistes. Je suis si près des musiciens que je les entend reprendre leur souffle dans une rare proximité. On poursuit sur une composition d’Åsman, chaude et délicieusement jazzy. L’harmonie entre tous les instruments remplit avec ampleur les ogives de l’église. Puis on change d’atmosphère avec des compositions de Troglauer, beaucoup plus expérimentales, voire minimalistes par moment. Une musique beaucoup plus pointue se rapprochant du classique et qui se révèle d’une étonnante solennité dans ce lieu saint. On finit le concert avec un retour vers un jazz plus enrobé de chaleur, notamment une très belle performance vocale d’Åsman toute empreinte de douceur. Ce Silent Music nous a fait vivre une large palette d’émotions : par moment intimiste et tendre, à d’autres moments fougueux puis minimaliste. Et il va sans dire qu’il est tout à fait rafraîchissant de voir de jeunes musiciennes d’une vingtaine d’années mises à l’honneur dans un monde qui reste encore assez masculin.

Lors de ces deux concerts très différents, le UMO Jazz Orchestra a fait la preuve de son immense talent et de son professionnalisme mais également de sa versatilité et de sa générosité. C’est un pur bonheur d’assister de si près à l’interaction entre différents styles musicaux et différentes ambiances à un tel niveau de compétence.

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